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Rendre visible la globalité de la chaîne alimentaire : Entretien avec Hermine Chombart de Lauwe

Nouvelles méthodes d'écoute Vibrations communicantes

© Hermine Chombart de Lauwe, déléguée générale du CNRA

On parle beaucoup du « paradoxe du consommateur » : des citoyens toujours plus conscients des enjeux environnementaux et sociaux, mais dont les comportements d’achat ne suivent pas toujours leurs convictions. Pour Hermine Chombart de Lauwe, déléguée générale du CNRA (Conseil National pour la Résilience Alimentaire), une part importante de ce paradoxe réside dans la méconnaissance de la chaîne alimentaire.

« Le point essentiel, c’est le choix éclairé » , rappelle Hermine. « Si vous connaissez les enjeux et les acteurs de la chaîne, vous pouvez choisir en pleine conscience. »

Or, aujourd’hui, le système alimentaire s’est fragmenté au point d’en devenir invisible.
« Il faut recréer du lien entre producteurs, transformateurs, distributeurs et consommateurs. L’étiquetage est utile, mais il ne suffit pas. Il faut simplifier, expliquer le rôle des différents acteurs, du producteur au grossiste, du transformateur au distributeur. Aujourd’hui, la plupart des gens ne savent même pas ce que fait vraiment un grossiste. »

Autre phénomène, la transparence sur l’origine des aliments est largement incomplète : « Entre le produit brut et l’assiette, il y a tout un monde que le consommateur ne voit pas. » Cette opacité concerne notamment les produits transformés. « Notre alimentation dépend énormément des importations, donc aussi des émissions de gaz à effet de serre qu’elles impliquent. On ne sait pas quelle part de matière première vient de France, ni ce qui est importé. On produit beaucoup de blé, mais on importe les 3/4 de nos pâtes. Même chose pour la sauce tomate, fabriquée en Italie avec des tomates françaises, puis réimportée en France. »

Rendre visible les liens entre les maillons de la chaîne

L’enjeu n’est pas seulement d’ouvrir les données, mais de rendre la chaîne lisible et intelligible. « La clé, c’est la transparence, mais une transparence utile : simplifiée, incarnée, qui explique qui fait quoi et pourquoi. C’est à cette condition qu’on pourra redonner confiance aux citoyens et rendre la chaîne alimentaire réellement visible. »

Concrètement, cette transparence suppose d’agir sur plusieurs plans :

  • Les données, avec un meilleur accès à une information fiable et vérifiée,
  • La pédagogie, pour aider à comprendre qui fait quoi dans la chaîne,
  • La gouvernance, pour assurer un contrôle réel des labels et des allégations.

Les circuits courts jouent ici un rôle clé : « Ils permettent de comprendre qu’entre la ferme et l’assiette, il y a souvent beaucoup d’intermédiaires – notamment industriels – que l’on connaît mal. »

La connaissance, levier de transformation… mais pas une baguette magique

Une meilleure compréhension de la chaîne alimentaire peut-elle vraiment transformer les comportements d’achat ?
« Pas automatiquement », reconnaît Hermine. « Regardez la campagne “Mangez cinq fruits et légumes par jour” : cela fait vingt ans qu’elle existe, et pourtant les habitudes changent peu. Les injonctions ne suffisent pas. »

La demande des consommateurs évolue, mais l’offre n’est pas encore à la hauteur. « Il faut arrêter de culpabiliser les citoyens sans leur donner les outils pour comprendre et agir. »  Mais ce changement ne peut reposer sur un seul acteur. « Les pouvoirs publics doivent jouer leur rôle de régulation et de cadrage. Les consommateurs ont une part de responsabilité individuelle. Les associations et les acteurs économiques s’emparent de plus en plus du sujet. C’est un travail collectif : chaque maillon doit avancer, car le système ne fonctionne que si tous s’impliquent. »

A propos du CNRA

Le CNRA (Conseil National pour la Résilience Alimentaire) réunit des acteurs qui agissent sur le terrain, qui proposent des solutions innovantes et qui répondent au défi alimentaire des territoires : Rendre disponible et accessible à tous, en toutes périodes, une alimentation saine, qui assure une juste valorisation et répond aux attentes sociétales.

Pour en savoir plus : Conseil National pour la Résilience Alimentaire

Propos recueillis par Khadèja Camara agence Communicante

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