L’importance d’identifier les principaux drivers de choix des consommateurs pour construire sa proposition de valeur en conséquence
© Philippe Alibert
Philippe Alibert, délégué Valorial pour les Pays de Loire
Philippe Alibert, délégué Valorial pour les Pays de Loire, – Cluster d’innovation pour toutes les filières agri-agroalimentaires du Grand Ouest, a récemment organisé un événement sur le paradoxe du consommateur qui a mobilisé un grand nombre de participants, preuve de l’actualité du sujet pour les entreprises agroalimentaires. Il nous explique comment les entreprises du secteur naviguent dans cette complexité croissante.
Pourquoi avoir choisi ce thème du paradoxe du consommateur pour votre événement ?
« La connaissance et la compréhension du consommateur est fondamentale quand on veut innover. Or le sujet prend plus d’importance aujourd’hui car nous sommes passés d’un consommateur unique à un consommateur pluriel, volatil et évolutif. Les consommateurs se fragmentent et leurs paramètres de choix se multiplient : aux critères historiques que sont le goût, la santé, la praticité et le prix pour les produits alimentaires, s’ajoutent désormais des éléments sociaux, sociétaux et environnementaux qui vont à la fois complexifier les choix du consommateur et l’analyse de leurs comportements. »
Quelles difficultés les entreprises agroalimentaires rencontrent-elles face à ce consommateur pluriel ?
« Les entreprises peinent à cerner ce que veut réellement le consommateur. En quelque sorte le consommateur développe une forme de schizophrénie : par exemple l’importance qu’il affiche dans ses déclarations pour le local, le bio, l’environnement ou les produits santé ne se traduit pas forcément dans ses actes d’achat. Le prix reste souvent déterminant et peut infirmer les volontés affichées. De même l’hédonisme est un moteur puissant de choix. Les produits plaisir sont souvent préférés au moment de l’acte d’achat, créant ainsi un décalage entre le plébiscite sur certains produits dans le discours et la réalité d’achat. Ce décalage exprime la tension qui existe entre les différents critères intervenants dans nos choix de consommation alimentaire. »
Comment les entreprises s’adaptent-elles concrètement ?
« Certaines sociétés vont au-delà des études traditionnelles en se rendant directement chez les consommateurs, pour s’immerger dans leur réalité quotidienne. Elles vont dans leur cuisine, les accompagnent pour faire leurs courses, observent et questionnent. Cette approche pragmatique permet de croiser études et réalité terrain. C’est un outil puissant mais toutes les entreprises n’ont pas ces moyens.
Les grandes structures investissent depuis longtemps dans les études consommateurs et continuent à investir ce champ pour cerner au mieux le comportement des consommateurs. On peut d’ailleurs citer à titre d’exemple, la création toute récente de la Chaire « analyse des comportements des consommateurs », fruit d’un partenariat entre AUDENCIA, SODEBO et TERRENA.*
Les petites entreprises investissement souvent moins pour des questions de moyens, mais la prise de conscience du besoin de se renforcer en marketing est réelle et des mouvements s’opèrent. »
* Article Vibrations à lire sur le sujet : En résonnance avec : Cindy Lombart, enseignante chercheuse spécialisée en comportements des consommateurs
Quels sont les défis majeurs identifiés ?
« Le défi principal consiste à identifier les principaux drivers de choix des consommateurs et construire sa proposition de valeur en conséquence.
Pour être efficace, la proposition de valeur ne peut pas se limiter à des déclarations de bénéfices mais doit s’appuyer sur des faits et s’incarner. Le rapport bénéfices / coût – contraintes du produit ou du service doit être positif et acceptable économiquement par les consommateurs ciblés. Pour répondre aux enjeux sociaux, sociétaux et environnementaux, le défi principal consiste à pouvoir garder les valeurs originelles de l’alimentation : le bon, le sain, l’accessible, le pratique tout en intégrant les dimensions sociales, sociétales et environnementales. L’équation est souvent difficile à résoudre. Si les bénéfices personnels (« c’est bon pour moi ») passent facilement, les autres comme l’impact environnemental (« c’est bon pour l’environnement ») sont plus difficiles à faire accepter surtout si le prix plus est élevé. Et pour les entreprises, si le développement durable est bien sur leur feuille de route, il faut néanmoins qu’il soit aussi durable économiquement.
Une approche par les co-bénéfices (mise en avant de l’impact environnemental du produit par exemple) peut aider à faire bouger les lignes et aligner bénéfices personnels immédiats avec le bénéfice environnemental. »
Quelles bonnes pratiques recommandez-vous ?
« D’abord, ne jamais oublier les fondamentaux : un produit alimentaire doit rester bon et irréprochable sur le plan de la sécurité des aliments. L’expérience sensorielle et la santé restent primordiales. Ensuite, il faut bien connaître sa cible et savoir à qui on s’adresse – encore plus crucial aujourd’hui avec la segmentation des consommateurs.
Je recommande aussi de mener un véritable exercice d’analyse de la valeur : quelle proposition j’apporte, à quel prix, comparé à quoi ? Enfin, rester connecté au monde de la science et aux tendances, interroger régulièrement les consommateurs, sans oublier les nouveaux médias et leaders d’opinion qui influencent les jeunes générations. »