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One Health et communication : entre crises sanitaires et désamour des marques

Nouvelles méthodes d'écoute Vibrations communicantes

Loin des comportements d’une grande majorité de Français, les liens entre santé humaine, santé animale et santé de la planète sont pourtant interdépendants.

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Nous intéressons-nous à notre santé uniquement lorsque nous sommes confrontés à des crises sanitaires et alimentaires ? C’est la question que soulève le manque d’appropriation de la notion de One Health auprès du grand public. Mais les consommateurs sont-ils les seuls responsables ?…

Ma santé d’abord ? Jusqu’à quel point ?

En restant cloisonnée aux experts des milieux de la santé humaine et animale, la notion de One Health reste aujourd’hui largement méconnue des consommateurs. Une notion qui n’est pourtant pas nouvelle puisqu’elle voit le jour au début des années 2 000.

S’il y a 20 ans les préoccupations des consommateurs étaient plus nuancées, on peut aujourd’hui s’interroger sur le cloisonnement du One Health à la sphère scientifique. Jamais le grand public n’avait disposé d’autant de moyens de s’informer sur son alimentation, d’échanger avec d’autres consommateurs, de faire remonter son insatisfaction (ou plus rarement, sa satisfaction) aux producteurs et transformateurs, de donner son avis sur des produits, de les noter… En parallèle, jamais la question environnementale et de la cause animale n’avaient occupé un tel niveau d’intérêt, de préoccupation, voire de priorisation pour certains segments de consommateurs.

Pourtant, malgré ces sensibilités et ces moyens de communication, lorsqu’il s’agit de leur santé les Français ne semblent finalement pas si préoccupés…. Et les chiffres sont sans appel : 21 % ne cuisinent jamais, 15 % passent moins de 15 minutes à préparer leurs repas, 3 % passent moins de 15 minutes à table, 17 % sont en situation d’obésité… Et la sédentarisation liée au COVID et l’inflation des derniers mois n’améliorent en rien ces chiffres.

Si les Français ne se préoccupent que très peu de l’influence de ce qu’ils mangent sur leur santé, comment leur faire prendre conscience – qu’en amont déjà – la santé environnementale et animale ont une incidence sur ce qui se retrouve dans leur assiette ? Pourtant, plusieurs scandales alimentaires liés à des crises animales et environnementales ont déjà touché l’opinion publique par le passé…

 

Crise médiatique, crise de confiance ?

Quand il s’agit d’alimentation, on pourrait penser que chaque crise médiatique provoque la même perte de capital confiance quelle que soit la marque. Or, on se rend compte après étude de différentes crises que cet impact peut prendre des tournures très différentes…

En effet, les marques ayant su, dans le temps, instaurer une relation de confiance avec leurs consommateurs sont les moins impactées par les scandales médiatiques. La rationalité du public à cet égard est donc au cœur du sujet…

Pour illustrer cet état de fait, prenons les exemples de Nutella et Findus, deux marques confrontées à un emballement médiatique au début de l’année 2013 et pour lesquelles nous avons donc du recul. La nature des crises vécues par ces deux marques n’étaient pas comparables : l’une était d’ordre écologique (mais pas nécessairement comprise comme telle) et l’autre d’ordre alimentaire. Nutella était mise en cause pour son utilisation d’huile de palme. Elle devenait la marque symbole de cet ingrédient controversé, au point d’avoir, malgré elle donné son nom à l’« amendement Nutella » adopté au Sénat fin 2012 par la commission des Affaires sociales : amandement visant à augmenter de 300 % la taxe sur l’huile de palme qui entre notamment dans la composition de ce produit alimentaire culte.
Quant à Findus, c’est la perte de maîtrise de leur filière qui les a mis sous le feu des projecteurs, provoquant le « scandale des lasagnes Findus ». Le sous-traitant de la marque ayant utilisé de la viande de cheval en lieu et place de la viande de bœuf de la recette…

La logique aurait voulu que les consommateurs soient moins inquiets de la présence de viande de cheval (qui ne posait pas de problème sanitaire) que de l’huile de palme, dont on connaît l’impact délétère sur l’environnement et les méfaits sur la santé. Et pourtant…

En interrogeant des consommateurs dans le cadre d’une étude sur différentes crises médiatiques de marques, il ressortait alors clairement que l’image de Nutella avait beaucoup moins été dégradée à cette occasion, que celle de Findus.
L’attachement des consommateurs à Nutella est fort. Cette marque véhicule des valeurs liées à la nostalgie, au plaisir et à l’enfance. Elle était la marque qui était fortement appréciée avant le débat sur l’huile de palme, qualifiée d’intouchable par certains consommateurs. Son image, malgré cette crise auprès restait extrêmement positive six mois après. (Il faudra plus de temps et d’actions militantes pour ancrer le sujet de l’huile de palme dans l’opinion).

Le cas de Findus était différent. Si la bonne gestion de la crise par la marque fait aujourd’hui figure d’exemple, à court terme, les consommateurs avaient surtout retenu que la presse avait parlé de mensonge et de tromperie, comme une trahison de la marque. Ils ont ensuite été fortement lassés par l’emballement médiatique, qualifié de « chevalgate ». Enfin, et peut-être surtout, les consommateurs ne se sentant pas spécialement attachés à la marque avant l’affaire… ils semblaient l’apprécier encore moins six mois plus tard…
Avec le recul, on comprend que la perception de ces crises par le public « De quoi s’agit-il ? Quel est le problème ? En quoi cela me touche effectivement ? » est fortement corrélé à l’affect, à l’attachement plus ou moins fort à une marque ou à une habitude. Et que la santé peut finalement passer après l’émotion ou le plaisir…

 

La campagne « One Planet. One Health » de Danone : le seul contre-exemple à ce jour ?

Pour tenter de mettre en mouvement les consommateurs, et faire entrer la notion de One Health dans la sphère publique, Danone a lancé en 2017 sa campagne « One Planet. One Health ».

 

Saisonnalité, surpêche, déforestation… Des enjeux déjà bien connus des consommateurs, que Danone invite à mettre en mouvement à travers la campagne One Health

 

Une campagne qui s’intègre dans un projet bien plus global. Cette « Révolution de l’Alimentation » – portée en grande partie par son ex-PDG Emmanuel Faber – vient dans la foulée s’illustrer dans la nouvelle signature de la marque. « Danone. One Planet. One Health » se veut refléter la vision selon laquelle la santé humaine et la santé de la planète sont interdépendantes.
Pour autant, à ce jour, cette campagne fait figure d’unique exemple de communication et de vulgarisation de la notion de One Health auprès du grand public, et sur le lien établi entre santé humaine et environnementale en dehors d’un contexte de crise…

 

Et depuis 2017 ? Manque d’intérêt de la part des consommateurs ? Ou manque d’appropriation de la notion chez acteurs de l’agroalimentaire ? Il n’est pourtant pas vain d’affirmer que les marques et organisations tiennent leur part de responsabilité dans l’éveil des consciences et l’éducation des consommateurs sur ces sujets. À elles de dépasser la communication de crise et d’entrer dans une démarche plus proactive. Alors qu’est-ce qu’on attend ?

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