On frissonne – Cindy Lombart et la nouvelle chaire « Analyse des comportements des consommateurs »

On frissonne – Cindy Lombart et la nouvelle chaire « Analyse des comportements des consommateurs »

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« Le consommateur c’est comme la météo » : Audencia éclaire les comportements alimentaires des consommateurs à travers une nouvelle chaire dédiée.

Stravito Vibrations communicantes

©La Nouvelle Agriculture, signature Audencia x Terrena avec Delphine Selosse, Thierry Villelegier, Vincent Monfort, Thibaut Bardon, Cindy Lombart et Gaelle Delevalle

Cindy Lombart, chercheuse en comportements des consommateurs aux points de vente, dirige la chaire « Analyse des comportements des consommateurs » aux côtés d’Olga Untilov et Florence Charton-Vachet, créée par Audencia en partenariat avec Terrena et Sodebo. Ce partenariat nous éclaire sur les comportements mouvants des consommateurs quand il s’agit de choix alimentaires. Une prise de hauteur nécessaire pour mieux comprendre ce qu’il se cache derrière le paradoxe des consommateurs.

 

Une chaire pour comprendre les mutations alimentaires

En 2024, les trois chercheuses ont pris la tête de la première chaire française dédiée à l‘analyse des comportements des consommateurs dans le secteur alimentaire. Audencia, grande école de management nantaise, a développé cette chaire en partenariat avec Terrena et Sodebo.
La création de cette chaire a pour but d’analyser et de comprendre les défis auxquels les entreprises font face aujourd’hui : des consommateurs volatils, aux attentes contradictoires et de plus en plus difficiles à cerner.

« Le consommateur à l’heure actuelle, c’est comme la météo : il est changeant, il faut identifier les signaux faibles et les zones de turbulence », résume Cindy Lombart

L’objectif de cette chaire est double :

  • Comprendre les logiques de choix des consommateurs en analysant ce qui motive réellement leurs décisions d’achat.
  • Intégrer les dynamiques de consommation pour anticiper les évolutions et aider les entreprises à s’adapter.

Comme le souligne la chercheuse, « Les consommateurs veulent que les entreprises les aident à être plus responsables tout en tenant compte de la contrainte du prix ». Un équilibre délicat à trouver.

 

Le consommateur, un être sous tension

Lestravaux de recherche de la chaire ont pour objectif d’explorer en profondeur cette réalité frappante : le consommateur moderne est absorbé dans une triple tension structurelle. Entre pouvoir d’achat et exigences de durabilité, confort de consommation et recherche de naturalité et confiance dans les marques et désir de transparence.

Pour preuve, 62 % [i]des consommateurs français admettent avoir des comportements incohérents et considèrent ce paradoxe comme à la fois humain et acceptable. Ils veulent consommer local et durable, tout en privilégiant des produits rapides et faciles à préparer. Mais la réalité du pouvoir d’achat vient souvent contrecarrer ces aspirations.

Les critères de choix restent classiques et le prix arrive en première position, suivi du goût, puis de l’impact sur la santé. Le local s’impose également. Pourtant, ces dynamiques ne sont pas linéaires. L’exemple du bio est révélateur : après un fort engouement, la consommation a connu un reflux important face aux contraintes économiques. Cet exemple démontre un consommateur « fragmenté et évolutif » selon la chercheuse.

Le numérique, nouveau prescripteur des choix alimentaires

« Le digital est incontournable à l’heure actuelle quand on parle d’alimentation, surtout chez les nouvelles générations », affirme Cindy Lombart. Les réseaux sociaux sont devenus des leviers puissants, même quand on parle d’alimentation. On pourrait citer les framboises enrobées de chocolat Franui ou encore le fameux chocolat de Dubaï pour illustrer ce phénomène.

La GenZ construit, malgré elle, une nouvelle dimension à ce paradoxe par son utilisation du numérique dans ses choix de consommation.
Cette génération a très souvent recours à des outils d’intelligence artificielle tel que ChatGPT, dans lesquels elle place une grande confiance, pour imaginer des recettes ou choisir entre tel et tel produit. Pour autant, elle demande aussi beaucoup de transparence de la part des industriels sur ce qu’ils mettent sur le marché.
Paradoxe intéressant lorsqu’on sait que les intelligences artificielles ne sont pas toujours fiables et qu’elles ont parfois tendance à communiquer de fausses informations.

 

Déclaratif vs réalité : un écart révélateur

« La différence entre le déclaratif et la réalité des meilleures sorties produits est intéressante », note Cindy Lombart. Dans leurs déclarations, les Français affirment vouloir cuisiner des plats maison, réduire leur consommation d’aliments transformés et limiter les produits sucrés. Mais les meilleurs lancements produits 2024 ? La glace Nutella, les produits Kinder, les glaces Magnum… Des produits plaisir, transformés et sucrés, qui ont tendance à contredire les intentions affichées.

Cette dissonance s’explique, en plus des facteurs économiques, en partie par des inégalités structurelles. Le capital culturel apparaît comme une clé de compréhension essentielle : tout le monde ne sait pas lire une étiquette alimentaire, analyser un nutriscore ou réaliser une recette.

 

Un consommateur aux multiples visages 

« Le consommateur est pluriel et le côté générationnel est un marqueur de plus en plus fort », souligne Cindy Lombart.
Cette fragmentation s’observe particulièrement entre les générations, qui n’ont pas les mêmes paradoxes ni les mêmes enjeux.
La Gen Z se montre de plus en plus exigeante : « Le consommateur [jeune] est de plus en plus vite déçu, et une fois qu’il est déçu, ça va être compliqué de retourner le chercher », prévient la chercheuse.

Les comportements alimentaires résultent d’une combinaison complexe de facteurs : individuels, contextuels, structurels et culturels. Il est en ce sens important de noter que tout ne vient pas de l’individu lui-même mais qu’il subit les influences de tout ce qui l’entoure.

 

La chaire Analyse des comportements des consommateurs, une boussole dans notre secteur

Pour les communicants de l’agriculture et de l’alimentation, les travaux de cette chaire peuvent être une boussole. Ils invitent à comprendre avant de communiquer, à accepter la complexité plutôt que de chercher un consommateur type, et à adapter les récits en parlant vrai. Car au fond, le consommateur est « un être sous tension » qu’il faut savoir lire, en identifiant les signaux faibles et les zones de turbulence. Exactement comme la météo.

 

 

[i] Selon une étude menée par Accenture – Le Paradoxe Humain, le 21 avril 2022 : https://www.accenture.com/content/dam/accenture/final/a-com-migration/manual/r3/pdf/Accenture-Etude-Le-Paradoxe-Humain.pdf

En résonance avec : Christian Junod, économiste et spécialiste de la relation à l’argent

En résonance avec : Christian Junod, économiste et spécialiste de la relation à l’argent

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« Les marketeurs ont un rôle à jouer pour faciliter le chemin vers la consommation durable. Pas pour le compliquer. »

Christian Clot, explorateur

Christian Junod, spécialiste de la relation à l’argent : « Les marketeurs ont un rôle à jouer pour faciliter le chemin vers la consommation durable. Pas pour le compliquer. »

© Christian Junod

Christian Junod, économiste, auteur et conférencier spécialisé dans la relation à l’argent, décrypte pour nous le paradoxe consommateur – cet écart entre les intentions d’achat responsable et les comportements réels. Il invite à pacifier le rapport à l’argent et à simplifier l’accès à la consommation durable pour faire émerger davantage de consom’acteurs.

Comment décrivez-vous du paradoxe du consommateur ? Comment l’expliquez-vous depuis votre regard de spécialiste de la relation à l’argent ?

Le paradoxe du consommateur s’explique en partie par notre rapport à l’argent, qui est très généralement dominé par la peur de manquer, quel que soit notre niveau de vie. Cette peur restreint nos achats et rend toute sortie d’argent difficile, même lorsqu’on a les moyens. C’est le premier paradoxe : l’incapacité à se faire plaisir malgré les ressources disponibles. À l’inverse, certains dépensent de manière impulsive et émotionnelle, dans une forme de rejet de la frustration. « Je dépense donc je suis » : on se sent vivant quand on peut dépenser, mais cette euphorie retombe immédiatement.

Ce que j’observe de plus en plus aujourd’hui, c’est que la société de consommation est devenue une société de compensation. Moins on est bien dans sa vie, plus on cherche à compenser par la consommation. L’achat devient une fuite, un leurre pour oublier son mal-être. Et, plus on se restreint au quotidien, plus on dépense quand on s’autorise enfin à le faire, à lâcher – notamment en vacances.

Le problème, c’est que ce fonctionnement émotionnel n’est pas conscient. On ne réalise pas que la peur est le moteur de nos actions. Tant qu’on reste dans cette peur, nos choix restent centrés sur nous-mêmes, sans conscience de leur impact sur le monde. Or, l’intention de consommer de manière responsable ne part pas d’une émotion, mais d’un choix de valeurs.

 

Comment est-il possible de faire évoluer ce paradoxe pour aller vers une consommation plus responsable ?

Il faut d’abord pacifier son rapport à l’argent. C’est un travail intérieur essentiel pour retrouver une sérénité quel que soit l’état de ses finances. Si on reste dans l’agitation mentale, avec ces petites voix qui créent de l’émotionnel, on ne peut pas faire de choix avisés.

En étant dans la peur, nos choix sont uniquement liés à notre personne et pas à l’extérieur, sans conscience de leur impact. C’est « moi », pas « moi et le monde ». Une fois le rapport à l’argent apaisé, on peut développer une confiance en la vie et voir l’argent comme un bulletin de vote pour la société qu’on va construire ensemble. La manière d’utiliser mon argent co-construit la société de demain : emploi, commerces, impact écologique. Je deviens acteur de quelque chose.

On peut ressentir une émotion positive en achetant de manière responsable, associée au sens qu’on donne à l’utilisation de son argent. Ce n’est plus une compensation émotionnelle, mais une conséquence de ses valeurs.

Comme le dit Pierre Rabhi avec la « sobriété heureuse » : quand c’est une sobriété choisie, on peut être heureux. Le bonheur n’est pas une accumulation matérielle, mais la qualité des relations, l’abondance, la capacité à voir la beauté de la vie, l’alignement avec le sens de ce qu’on fait. Plutôt que de se forcer à se restreindre – ce qui crée une violence intérieure -, il s’agit d’apprendre à apprécier autrement.

 

Quelles recommandations auriez-vous pour les communicants et les marketeurs ?

Le paradoxe du consommateur pose la question de leur responsabilité : jusqu’où sont-ils prêts à faire des communications franches et authentiques, et jusqu’où veulent-ils vendre du rêve et du « faire croire » ?

Le marketing traditionnel joue sur l’émotion en invitant à « se faire plaisir » en se coupant du reste du monde et du rationnel. C’est un marketing égocentrique qui joue sur les frustrations et les envies. Je préconise au contraire un marketing qui va nous élever, qui délivre des messages qui participent au changement de société en promouvant la consommation durable. Il faut toucher positivement les personnes, les inviter à devenir « consom’acteur » – à acheter bien au-delà de soi, montrer que l’achat a un impact qui dépasse l’individu.

Et puis, consommer de manière responsable demande réellement un effort : se renseigner, se déplacer. C’est un acte volontariste de dépenser mon argent chez le libraire plutôt que chez Amazon. C’est un chemin de conscience qui demande d’être prêt à lâcher une certaine facilité. Les marketeurs ont un rôle à jouer pour faciliter ce chemin, pas pour le compliquer. Leur responsabilité est d’accompagner cette élévation de conscience plutôt que de maintenir les consommateurs dans des schémas de compensation émotionnelle.

 

A propos de Christian Junod

Économiste de formation, Christian Junod a travaillé dans une banque suisse avant de se spécialiser dans l’accompagnement autour de la relation à l’argent. Il a accompagné pendant 15 ans des profils très variés, des personnes surendettées aux gagnants de l’Euromillion. Auteur de cinq livres sur le sujet, il prépare actuellement un sixième ouvrage – un essai sur la manière dont notre rapport à l’argent explique la société actuelle.

Pour en savoir plus sur les ateliers proposés par Christian Junod : Son site Internet 

Et pour lire « Ce que l’argent dit de vous », dans lequel Christian Junod vous invite à interroger votre relation à l’argent pour le mettre à la bonne place dans votre vie : Les livres – Christian Junod 

 

Propos recueillis par Véronique Spaletta, agence Communicante