Home 5 Actu 5 Ça bouillonne : les (nouvelles) méthodes d’écoute

Décryptage : observer ses cibles pour comprendre leurs attentes – trois méthodes passées au crible

Nouvelles méthodes d'écoute Vibrations communicantes

© Franco Antonio Giovanella – Unsplash

Il est plus facile de s’adresser à quelqu’un lorsque l’on a pris le temps de l’écouter en amont. La compréhension du consommateur ou de l’usager est une étape essentielle dans les projets d’innovation et de communication.

Dans un monde en constante évolution, où les besoins et les attentes des consommateurs changent rapidement, les entreprises sont friandes de nouvelles méthodes pour comprendre et anticiper les besoins de leurs clients. Mais les chiffres, les études et les sondages n’apportent qu’un éclairage limité car ils oublient l’humain et sa sensibilité. Il y a des choses qui ne se ressentent qu’au contact des individus. Chez Papillote, agence nantaise de design et d’innovation alimentaire, nous l’expérimentons régulièrement. Nous avons donc choisi de décrypter trois méthodes qui défendent cette approche. Leur point commun : intégrer l’utilisateur final très tôt dans le processus de réflexion et de création.

 

Le Living Lab : une approche 100% immersive

Okoni, agence parisienne d’innovation et de design, a employé la méthode du Living lab sur un projet de résidence seniors durant 10 jours. Cette méthode d’innovation consiste à installer le studio de création au sein même de l’espace concerné, auprès des usagers et des acteurs clés du sujet.

Parmi les nombreux avantages de cette démarche, Okoni insiste sur le fait qu’elle permet d’explorer au plus proche de la réalité, en allant plus vite et plus loin dans la perception des besoins. Implanter une équipe in situ “en mode commando” lui impose d’être 100% connectée au sujet en question, et donc plus efficace car moins sollicitée pour d’autres projets, réunions, mails…. L’équipe partage 24h/24 le vécu des usagers qu’elle côtoie, allant ainsi bien plus en profondeur qu’une approche déclarative.

En s’installant sur place pendant plusieurs jours, l’équipe finit même par faire partie du décor : “ Ils nous adoptent, ils ne nous voient plus comme des intrus, des voyeurs, ils apprennent à nous connaître et ils vont davantage se livrer ”, explique Brice Jehanno, co-fondateur de l’agence Okoni.

Cela permet aussi de capter une plus grande diversité de publics : “On peut toucher les gens qui n’auraient pas pu se déplacer pour un atelier dans nos bureaux, ou qui ne peuvent pas se libérer en journée car ils travaillent”, ajoute Brice Jehanno. Enfin, cela casse le séquençage parfois trop rigide des projets. S’affranchir des “cases” permet de se donner toutes les chances d’avoir de bonnes idées, puisqu’elles sont les bienvenues à tout moment. L’équipe est disponible en continu, cela donne à chacun l’opportunité de se livrer quand il est le plus à l’aise : “Comme c’est un peu brouillon et non ficelé, chacun peut s’exprimer plus librement. Ils ne se disent pas que tout est déjà figé, donc ça renforce leur envie de participer. Et nous, on fait évoluer notre regard au fil de l’exploration”, conclut Brice Jehanno.

 

Le restaurant d’essai : tester pour améliorer des solutions culinaires

Au cours du processus de création d’une nouvelle offre, il est intéressant et même nécessaire de mesurer son appréciation par la cible visée, afin de toujours coller à ses besoins spécifiques.

À Rennes, le Centre Culinaire Conseil dispose d’un espace dédié aux tests alimentaires en situation réelle d’utilisation ou de consommation. Dans le cas d’une offre prête à manger, les consommateurs viennent déjeuner au restaurant d’essai pour y déguster le produit et donner leur avis. Dans le cas d’une aide culinaire destinée à une cible professionnelle, le test se fait en deux temps. D’abord, en cuisine : les chefs sont amenés à manipuler le produit et à le cuisiner. Ensuite, le plat réalisé est présenté au consommateur final pour être dégusté. Cette méthode permet d’avoir une double réponse : celle de l’utilisateur professionnel qui jugera de la qualité d’usage du produit en cuisine (praticité, comportement, aptitude), puis celle du convive qui pourra donner son avis sur le produit mis en œuvre par le chef lors de son déjeuner.

Le test en situation réelle d’usage (en cuisine et en restaurant) permet d’avoir une réponse spontanée et sincère, plus affranchie du déclaratif de bienséance.

Le Centre Culinaire Conseil défend une approche sur-mesure en pratiquant une hybridation des méthodes de test afin de répondre aux objectifs souhaités et obtenir les résultats les plus fiables possibles : “Le déclaratif, à travers des questionnaires, c’est bien si l’on veut une note d’appréciation, un score. Quand on veut des impressions plus fines et des pistes d’optimisation, on se penche sur la verbalisation spontanée du testeur et sur l’observation de ses pratiques. Dans l’idéal, on essaye même de croiser les deux”, explique Marie-Loïc Garin, directrice opérationnelle du Centre Culinaire Conseil.

 

Notre parti-pris chez Papillote : visualiser pour communiquer

En tant que designers, nous avons une capacité, et même un réflexe, de formalisation, que nous mettons au service des projets. Nous avons appris à manier plusieurs outils (croquis au crayon, dessin assisté par ordinateur à l’aide de logiciels, tablette graphique, modélisation 3D, maquette volume, etc.) qui nous permettent de passer de l’idée au concret.

Nous y voyons trois principaux avantages :
Cela nous force à aller plus loin dans l’idée, puisqu’en se posant la question « à quoi ça ressemble ? », nous sommes obligées de mieux définir l’idée elle-même. Cela permet aussi de fédérer un groupe autour d’une même vision des choses en évitant les divergences d’interprétation de chacun. Dernier avantage : confronter l’idée à la réalité, en montrant un visuel pour tester l’adhésion spontanée et pour récolter des pistes d’amélioration.

C’est ce dernier point qui nous intéresse particulièrement ici, puisque c’est le moment de l’interaction avec l’usager final. Dans de nombreux projets, nous menons des tests d’idées ou de concepts, à différentes étapes et de manière itérative. Pour confronter ces concepts à leur cible, nous les rendons visuels en piochant dans la palette d’outils cités plus haut, en fonction de l’objectif visé et de la typologie de consommateur. Nous n’utilisons pas les mêmes médiums avec des chefs restaurateurs qu’avec des enfants. Cela demande une adaptation de la méthode et des supports.

Au besoin, nous pouvons même être amenées à faire évoluer l’idée en « live », à l’écoute de l’usager, toujours dans le but de s’aligner sur une représentation tangible de la solution idéale. Notre double implication, aussi bien dans la réflexion que dans la formalisation, permet d’éviter les déperditions d’informations et garantit la cohérence entre ce qui est capté chez les consommateurs et les propositions créatives qui y répondent.

 

Le 6e sens humain

Ces méthodes d’observation et de test apportent un éclairage riche. Elles fournissent un vrai apport de connaissances qui reste bien sûr à décrypter par une intelligence émotionnelle humaine, seule capable d’en capter les nuances et d’en tirer des conclusions. Il s’agit aussi de savoir piocher dans cette boîte à outils en les adaptant en fonction du projet et de l’objectif visé.

Au-delà de la théorie, ces méthodologies s’apprennent et s’ajustent par la pratique. Un savant équilibre entre technique et posture qui doit aussi laisser sa place à notre intuition, que l’on développe et qui s’affine avec le temps.

 

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